Dans l'arbre de la famille OBERT, figure la famille PERRIER. L’ancêtre Marc PERRIER dit l'Ancien, vigneron donnera naissance à des filles et garçons dont plusieurs travailleront à  la  Manufacture de la Toile de Jouy.

LES PERRIER

Les Perrier, c’est le travail mais aussi et surtout une fortune, un héritage.Celui-ci provient de l’aïeul Marc, vigneron.

Situation significative un héritage originel assurera les dotes futures et par conséquent le placement social des enfants et l’acquisition éventuelle de compte courant qui produira bon an mal an 5%. Par un partage entre les Perrier de souche en 1791 on entretien cet héritage. Une petite maison au Moncel, face au bourg de Jouy, composée d’une chambre basse à feu, avec four à cuire le pain, une chambre au dessus, également à feu, d’un escalier par le dehors, d’un grenier, d’une cour commune, d’une étable, le tout couvert de paille, un petit jardin jouxte la maison, un petit morceau de pré au Moncel. L’argent des terres ci-devant en vignes de pré vert en friches, trois perches et demie de jardin clos de haies de Moncel, un arpent de pré, un quartier de pré de la prairie de Jouy, enfin trois quartiers de terre labourable, une petite propriété, mais estimée à 3000 livres soit 640 livres pour chacun des héritiers, un point de départ non négligeable.

Cette succession bientôt se dissout au profit d’une fortune plus importante. L’héritage principalement foncier est liquidé. Deux perches sont vendues à Samuel Windner en 1790. Avant le partage de 1791. Le gros du patrimoine foncier avait été liquidé d’un coup, un conseiller d’État, Semonnier, achète la même année les 11 arpents du père vigneron, pour 3400 livres de principal. Toujours en 1791 Oberkampf acquiert un arpent de pré pour 300 livres et en l’an X enfin six ares de friches sont cédés pour 40 francs. La famille conserve la maison, s’y installe même, puisqu’en 1807 elle s’accorde pour user en commun du four et y faire des réparations. En 1809, elle est vendue à un cultivateur, Louis Eibout, pour 2000 francs. S’il est impossible de faire un total exact de la somme rapportée par les huit ventes distinctes par lesquelles les Perrier liquident l’héritage familial, ce patrimoine est, en comparaison des fortunes ouvrières, incontestablement important.

Il s’agit donc bien d’un transfert. Le patrimoine foncier est abandonné, pas totalement d’ailleurs, puisque François Marc l’Ainé achète à un vigneron 44 perches de terre avec arbres fruitiers, pour devenir un patrimoine mobilier et immobilier, très clairement saisissable de l’inventaire après décès de l’épouse de François Marc le père en 1819, où la communauté est estimée à 1 199 francs. Le compte courant le confirmant en 1810, François Marc le père possède 1 244 Francs, Constance 1 100 francs et Frédéric, qui n’a que 23 ans, 286 francs. Si le transfert de la fortune des Perrier est parallèle à leur prolétarisation, il n’est ainsi pas synonyme d’appauvrissement. A la fin du siècle, ils ne possèdent presque aucun bien foncier. Ils se sont rapprochés de la manufacture et du centre de Jouy. Le cadastre de 1812 révèle que l’ancienne propriété foncière du vigneron s’est transférée en une typique propriété immobilière de l’ouvrier de Jouy, composée d’une maison et d’un lopin, toutes les parcelles appartenant à la famille Perrier sont situées dans la section D, le village de Jouy proprement dit en maisons cours et jardins, à l’exception d’une seule minuscule parcelle. Chacun d’ailleurs, les Perrier mais aussi leurs alliés, les Gaumont, les Locherot, les Housseau, y a une petite maison (0,9 perche métrique de superficie pour celle habiter par François Marc l’Ainé), accompagnée d’un bout de jardin de près d’un are. Les cols blancs de la famille ont des lopins guère plus étendus et le mouvement est identique , Etienne Denis à liquidé l’héritage de son beau-père, marchand de foin (beau mariage, ce qui est courant pour un commis) en huit ventes successives qui ont rapportées au total à la communauté 6 900 francs. Ce qui ne l’empêche pas en l’an X d’emprunter 3 673,14 francs à Oberkamf, probablement pour la construction d’une maison. Fils de vigneron devenus ouvriers, les Perrier qui tous savent signer à l’exception des femmes témoignent que pour l’élite ouvrière issue des milieux ruraux le plus favorisé de Jouy, le passage à la manufacture est synonyme de redéploiement de l’assise sociale et non d’appauvrissement. Preuve que prolétarisation et misère ne sont pas synonymes, que déruralisation et stabilité économique et sociale ne sont pas antagonistes.

Les Perrier et leurs douze travailleurs à la manufacture représentent pourtant le cas extrême du nouveau lien social de l’industrialisation marquée par l’interaction de l’endogamie sociale et professionnelle formant une dynastie bicéphale dont une branche appartient au monde de la production et l’autre à celui du commerce et des bureaux.

A l’origine de la première, Marc Perrier l’Ancien, vigneron de son état. L’autre branche probablement cousine est composée d’Étienne Denis commis, fils de Pierre garde des étangs du roi et frère probable de Marc et de ses deux fils Frédéric commis et Noël Etienne graveur. Les Perrier bénéficient très largement des possibilités de promotion interne qu’offre, rarement il est vrai la manufacture. Le premier fils de Marc, le vigneron, François Marc l’Ainé est alloué graveur en 1772 à 14 ans, bien qu’il apparaisse comme ouvrier en 1781 et 1784, il est graveur en titre dès son mariage en 1777, dessinateur enfin à partir de 1790. Une belle carrière preuve d’un talent personnel remarquable et remarqué. Son frère, dit le jeune, né en 1766 est journalier en 1788, graveur sur bois en 1791, mais sans avoir été formellement alloué, graveur sur cuivre en l’an V. Mouvement plus lent mais assuré vers une qualification définitive. La seconde génération en percevra le bénéfice, les deux garçons sont graveurs. Mais en revanche, les deux filles et le troisième garçon n’accèdent pas au travail qualifié.

Pour au moins deux générations le groupe familial des Perrier lie son destin à la manufacture. Étienne Denis est attesté au moins quinze ans. François Marc l’Ainé y passe un demi-siècle, avant d’aller, en 1822, travailler à Paris quelques années puis revenir à Jouy vivre encore une dizaine d’années comme rentier. Son cadet est plus fidèle encore, 62 ans de présence ininterrompue à la manufacture, avant de mourir rentier depuis peu, à l’âge vénérable de 76 ans. Une vie entière ou presque dans l’enclos.

Cette permanence de travail a pour corollaire une forte insertion dans la communauté ouvrière de Jouy. Pourtant la très grande variété des mariages contractés par le clan Perrier est frappante. Ainsi, Marie Claude Elisabeth épouse Jean Guichard, un simple ouvrier, Constance l’imprimeur François Housseau, notons au passage cette ouverture sociale et cette exogamie professionnelle relative, Geneviève un simple ouvrier, Pierre Gaumont, Marie Charlotte un jardinier Guillaume Locherot. Le niveau des mariages masculins est lui aussi très variable. François Marc épouse une fille d’ouvrier, Marc le Jeune une fille de soldat, Henry en revanche, un Perrier de la deuxième génération épouse une fille d’imprimeur Geneviève Lasne qui apporte 400 livres alors qu’il apporte lui même 100 livres. Appartenant à la branche des cols blancs, bien que lui-même graveur, Noël Étienne épouse la fille de boutique qui apporte 300 francs pour un apport du garçon de 1000 francs.